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D I A L O G V EI I.

ſon aſne, d’vn ballot, d’enuirõ cent liures peſant, plus que ſa charge accouſ‍tumee, vn jour, auquel, par grand deſaſ‍tre les chemins eſ‍toyent empirez, pour l’iniure du temps de la nuic‍t : tellement que le poure aſne, n’auoit garde de regimber, pluſ‍toſ‍t ahanant ſous le faix, eſmouuoit. à pitiè tous ceux qui regardoyent ſa contenance, le ſeul cheual ne faiſoit que s’en rire. Le Maiſ‍tre etant cõtraint de s’arreſ‍ter en vn village, pour payer le peage, enuoya ſon courtaut deuãt, & l’aſne auſsi qui le ſuyuoit, au moins mal qu’il eſ‍toit poſsible, iuſques à ce qu’eſ‍tans arriuez en vn mauuais paſ‍ſage, duquel l’aſne preuoyoit bien qu’il luy eſ‍toit impoſ‍ſible d’eſchapper, ny de paſ‍ſer outre, ſans ſe rompre ou bras, ou iambe, & parauẽture auſsi le col, pria lors affec‍tueuſement le cheual de luy aſsiſ‍ter, & l’aider à paſ‍ſer ce mauuais chemin, ne luy demandant pour tout ſecours autre choſe, ſinon qu’il print ſur ſoy le ballot d’extraordinaire, iuſques à ce, tant ſeulement, qu’il euſ‍t paſ‍ſé par delà ce mauuais paſ‍ſage, promettãt le reprendre apres treſ volontiers deſ‍ſus ſon dos : mais il craignoit autant ce bourbier-là, comme ſa ruine preſente. Le cheual ſe moquãt de l’aſne, au lieu de luy vouloir aider, le menaçoit fierement du rude baſ‍ton de ſon Maiſ‍tre, qu’il diſoit ne pouuoir tarder : que d’obligation, il n’en auoit point à l’aſne, & quand bien il en euſ‍t quelqu’vne, elle ne s’eſ‍tẽdoit point iuſques-là, que de luy perſuader, de faire le vil office de Baudet, qu’il eſ‍toit cheual de nature, plus genereux qu’on ne penſoit, qu’il s’eſ‍toit trouué

maintesfois entre les rengs des grands cheuaux :

Som-