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la fiction d’un écrivain qui prête un sentiment à un personnage de son invention, c’est en vérité et pour son propre compte que l’auteur éprouve lui-même ce sentiment à l’égard d’une héroïne imaginaire et il est si réellement amoureux d’elle qu’il finit dans sa folie amoureuse par la confondre de plus en plus avec Jenny Colon.

Ces raisons suffisent pour que nous considérions cette histoire comme imprégnée d’un fantastique tout à fait exceptionnel. Il faut noter de plus que les qualités purement artistiques sont ici de premier ordre. Plaçant tout le récit dans la bouche d’un conteur populaire turc, Gérard de Nerval réussit à lui donner deux « couleurs locales « en même temps, celle de la Palestine antique et celle d’un récit oriental contemporain.

Son sujet ? C’est la guerre éternelle entre les grands génies et les grands artistes d’une part et de l’autre la médiocrité. Le représentant de celle-ci est Salomon, égoïste quoique sage, savant plutôt que poète, pensant bien plus à sa gloire qu’à célébrer le nom de son Dieu. L’artiste génial, c’est le maître ouvrier qui bâtit les temples et les palais,