Page:Renee-Dunan-Galantes-reincarnations 1927.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 5 —

demi couverte par une chemise. À côté de moi, gisaient deux bas de soie. Il était — je le jugeai à la pendule qui me faisait face — trois heures après midi. Un jour clair et ensoleillé entrait par la fenêtre.

Il ne pouvait subsister aucun doute, me contemplant avec soin et exactitude, j’en acquis la certitude, j’étais un caleçon de soie rouge…

— Comment, un caleçon ? Un pantalon ou une culotte, plutôt ?

— Ma chère amie, cela se passait en 1702, car il m’a fallu du temps pour toutes ces réincarnations, et on ne nommait point alors les Knickers des femmes, comme aujourd’hui, du nom de culotte. La première syllabe de ce mot passait avec raison pour inconvenante. Quant au pantalon, c’est un vêtement d’homme… J’étais, selon le vocabulaire du temps, un authentique caleçon… Cependant, j’aperçus à droite, un lit et dans ce lit une forme vivante. C’était ma propriétaire.

— La peste du vidame ! dit la personne couchée, si jamais je l’attends encore au lit !

En même temps, elle se levait et venait se contempler devant une glace haute,

J’étais, peu auparavant, presque aussi jolie qu’elle, et cela ne put, comme pour moi-même, que m’encourager à l’admirer. Elle semblait blonde, de ce blond inimitable qu’il appartient aux coiffeurs de créer par des teintures savantes. Pourtant, soit que sa pudeur naturelle lui eût interdit de se soumettre au blondissement partout, ou pour la joie d’être bicolore, elle gardait encore çà et là quelques coins nocturnes, et, ma foi, du plus gracieux effet. Son regard bleu possédait une chasteté charmante et la couleur d’une chair abondamment répartie illuminait toute la pièce. J’en fus si heureuse que le désespoir d’être désormais transformée en un colifichet de toilette devenait moins pénible.