Page:Renee-Dunan-Galantes-reincarnations 1927.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 46 —

toutefois qu’une dépression s’y manifestait au mitan, ce qui, en la déformant, si j’en crois les géomètres, perfectionne toujours la sphère. Quant à la reine astrakanienne, elle se réalisait selon un autre système de courbe dont vous m’excuserez de ne pas préciser plus exactement la formule. Je ne suis pas Pascal. J’en vis d’autres… Aussi bien, la reine n’avait-elle guère à tenir compte de ces détails pour les divertissements qu’elle s’offrait en usant d’elle-même. Et puis, il faut en matière de secrets d’État, craindre les foudres de la loi.

Or, ayant pu d’abord m’égayer de quelques familiarités dont j’étais le témoin et même le complice, je pensais pouvoir continuer une vie paisible, dévouée seulement à garantir les charmes les plus mystérieux de diverses personnes du meilleur monde. Hélas ! cette tranquillité ne dura pas.

En effet, le second jour, comme j’attendais la reine et sa chambellane, quel ne fut pas mon étonnement de voir entrer dans la chambre où je trônais (car on avait voulu me garder à portée) un homme, élégant certes, mais mal intentionné comme le prouvaient les précautions prises par lui de se cacher sans aucun bruit.

De fait, il se glissa sous une table dont le tapis laissait pendre ses franges jusqu’à terre.

Une heure se passa. Je craignais pour la vie de mes usagères. Avais-je affaire à un bandit, à un détrousseur ou si c’était plutôt un trousseur de cottes ? Ah ! si j’avais su parler, je n’eusse point failli d’aller, au trot de mes quatre pattes, avertir la livrée ou la marquise. Mais si le sort me permettait de tout voir et de tout recevoir, il m’interdisait malheureusement de me faire entendre. Soudain, j’ouïs des rires derrière la porte et la reine Clytoria II entra. Elle était vêtue d’une mousseline qui partait des épaules et s’arrêtait au nombril, mais elle gardait le masque, un loup de velours noir qui ne laissait voir que