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carnation dont on ait à se vanter. Bien entendu, un homme y trouverait plus d’agréments qu’une femme, car chacun sait combien les hommes sont friands des spectacles dont un bidet est le témoin constant. Si j’écrivais donc pour un de ces périodiques qui visent à l’érotisme et goûtent plus que tout les petits horizons intimes de la toilette féminine, ah ! certes, je pourrais tirer de mes souvenirs, en tant que bidet, tout ce qui complaît aux amateurs de salacités. Mais mon vœu est seulement de rappeler avec sérieux et gravité les terribles événements dont j’eus à souffrir. Ce but est exclusivement d’édification, et je renonce avec horreur à ces tableautins où Vénus dévoile un peu plus d’elle-même qu’il ne conviendrait selon le code des convenances dont je suis servante…

Pourtant, il me faut dire quelques-unes de mes aventures : le premier jour où je me découvris dans — si j’ose dire — mes nouvelles fonctions, c’était chez la marquise de Javal-Menthul, favorite de la reine d’Astrakanie, qui vivait alors à Paris. J’eus, je l’avoue, dès qu’il me vint connaissance des choses, la double et agréable révélation d’intimités originales entre Sa Majesté Clytoria II, chassée de son pays par une révolution d’eunuques, et divers amants. Comme un grand artiste apprécie selon une esthétique savante les différences de nuances entre les épidermes, les courbes d’un corps et des chevelures nuancées d’or ou d’acajou, je vérifiai sur des régions moins vulgaires, et plus agréables à voir, comme à toucher, quelle différence intrinsèque comportent les corps humains. Mme de Javal-Menthul aurait pu, tout comme l’édition originale de la Dixme Royale du maréchal de Vauban, porter en guise de firme une sphère symbolique. L’essentiel de son joli corps potelé, du moins la partie avec laquelle je restais en relations, car on n’use généralement pas d’un bidet pour se laver la figure, traduisait en effet, avec perfection cette figure de géométrie, admis