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Elle crie :

— Baron, baron ! sortez-moi de là. J’ai une éclisse de bois qui m’empale.

Mais le baron a perdu le sens. Il semble nager ridiculement, et les basques de son habit retroussées, font voir sa culotte fendue, au grand dam des convenances.

— Baron, vite, vite, crie la dame, victime des malices les plus saugrenues d’un meuble démoli.

En même temps, elle s’agite en gémissant. Sa jambe a l’air d’un sémaphore. Bientôt, la pareille se lève à côté, dans une gymnastique propre à inspirer un photographe désireux d’imiter sur bromure l’illustration faite par Borel pour le Meursius François. Je me mets enfin, tant je suis ému, à aboyer de toute ma voix, et c’est la plus jolie scène du monde.

Cependant, le baron sort de sa torpeur. Il se relève par fragments, comme avec une fourchette à huîtres. Enfin, debout, il s’efforce de dégager sa maîtresse qui pousse des petits cris de douleur, car l’éclisse a dû faire des ravages…

Et brusquement, furieux de l’aventure et désirant passer sa colère sur quelqu’un, il me voit, m’allonge un grand coup de pied et m’expulse par le boudoir avec une désinvolture inadmissible.

Croit-il pourtant que je n’aurais pas su aussi bien que lui panser la blessure de ma maîtresse ?


xi


Oui, ma chère, me voilà maintenant bidet. Qui le croirait ? Je n’ai certes jamais compris le mépris dont on a coutume d’entourer ce meuble galant, qui me paraît aussi gracieux, aussi digne et aussi moral qu’une caqueteuse, par exemple. Mais, malgré tout, ce n’est pas une réin-