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mirent à évoluer souplement dans la fraîcheur liquide sur laquelle un ardent soleil esquissait la danse du feu.

Cinq minutes passent. Les deux ondines se battent maintenant à coups de claques d’eau. D’une main en pelle, elles se jettent au visage un étincellement fluide. Leurs rires joyeux sonnent entre les deux rives herbues et solitaires. La rivière suit impassiblement sa pente molle ; des insectes aux couleurs métallisées volent partout, le petit vent d’ouest couche avec délicatesse les herbes folâtres, et moi je suis heureuse au delà de ce qui se peut imaginer. J’avais été transformée jusqu’ici en objets baroques et intimes, tous de boudoir ou de cabinet. J’étais maintenant au grand air, au sein de la nature, et mon âme naturellement bucolique s’épanouissait…

Alors, j’entendis un petit bruit léger, vers ma droite. Je regardai et un grand frisson me parcourut. Sous une haie irrégulière, deux yeux luisaient. Je devinai aussitôt la tête et le corps qu’ils servaient : un homme, un rôdeur, un satyre…

Cependant, les jouvencelles s’amusaient toujours. La moins audacieuse, craignant la fatigue, se rapprochait pourtant du bord. Enfin, elle prit pied et courut près de moi s’étendre sur l’herbe, où le soleil l’aurait bientôt mise à sec.

La seconde baigneuse s’était éloignée, Alors le drame naquit.

— Au secours, Annie, à moi !

Le rôdeur, sans calculer, sans réfléchir, sous le coup de fouet de cette nudité si proche, s’est jeté sur l’adolescente. Il lui serre d’abord la gorge pour qu’elle ne crie pas. Mais elle parvient à se dégager un instant et appelle sa compagne. Le satyre à nouveau l’étreint, il brutalise le joli visage dont les yeux se ferment après qu’elle a poussé un soupir d’épouvante.

Elle est évanouie.