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ensuite la posture d’un quadrupède, montrant à nu, dans un écrin de linons et de satins, l’envers de sa figure, où s’étalait la tache dont Agnès avait parlé.

Mme Parisot poussa un cri admiratif.

— Mais, ma belle, nous allons tout de suite retrouver le ministre. Faites tourner bride à votre cocher.

— Hein, murmurait orgueilleusement Palmyre, ce n’est pas une simple groseille, c’est tout une bassine. Et qu’offre-t-il, votre amateur de fruits ?

— Mille livres.

— J’en veux deux mille pour moi, sinon je vous quitte.

— Venez, venez ! C’est l’argent du Roy, il trouvera bien moyen…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Dix minutes plus tard, dans l’hôtel fameux rue Tétonnière, où régnait Mme Parisot, de son métier, maquerelle, Palmyre se dévêtait en hâte et me montrait un corps en tout semblable à celui de ces nymphes divines que sculptèrent jadis les Grecs. Elle me mit à cru sur elle, et, ainsi attifée, s’étendit sur un divan en lisant un joli volume illustré, dont l’auteur était le sieur Piron : Vasta, reine de Bordélie.

Et le ministre apparut. Il était simple et bienveillant, mais ses yeux voulaient tout voir et ses mains tout prendre, En peu de minutes, la douce O’Nana ne fut plus pour lui qu’un chiffon, tout comme moi…

Il abusa de nous deux.

Le lendemain, on vint me chercher sur le champ de bataille, où je gisais chiffonné et sali. Abandonné, je menai dès lors une vie de débauche, chez la Parisot, et recouvris les charmes de ses « ouvrières ». Je ne revis jamais Palmyre, et quelques semaines plus tard, comme j’avais perdu mon lustre et ma grâce, une fille, qui se nommait la Gamahuche, se servit de moi comme essuie-bain… Ainsi se termina mon destin de jupon.