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la baronne fut donc privée même de sa chemise, elle prit un air narquois pour se nantir de mouches et de poudre aux lieux mal accessibles lorsqu’on porte trois jupons et une robe à paniers.

Le baron semblait sur des tisons. Sa face s’empourprait de fureur impuissante, à se voir narguer ainsi. Volontiers fût-il sauté sur sa femme qui, en cela, lui devait aussi obéissance, pour satisfaire d’abord la lubrique paillardise dont il commençait d’ardre. Mais il était attendu au Palais du Louvre, puis il avait peur, dans les affres du plaisir, de ne pas refuser ce qu’on lui demanderait de pire, et évidemment d’abord de jeter la ceinture, si charmante pourtant, et d’un coût considérable, en quelque cul de basse fosse, ce qu’on peut traduire par vendue au poids de l’argent au plus proche brocanteur.

La scène dura près de dix minutes. Le baron, d’un rouge qui tournait au bois d’acajou, la baronne, nue comme une fourchette, allant et venant dans l’appartement, et montrant, avec une vergogne de petit module, ses charmes sous tous angles et sous toutes courbes. Quel tableau !

Enfin, elle se mit à lisser l’ongle de son petit orteil. On sait, ou l’on devine, qu’en cette posture, et juste à deux pas du témoin aussi congestionné qu’une vessie pleine, c’était plus qu’il n’en eût fallu pour débaucher saint Antoine et même son innocent porcelet. L’effet se fit. N’y pouvant plus tenir, le baron empoigna son épouse, dans un irrésistible désir. Il criait, la voix rauque :

— Manon, ma chère Manon, je t’adore !

Mais, triomphante, la femme se dégagea à demi :

Que faites-vous, céans, mon cher ? Soyez un peu plus sage et donnez-moi cette fameuse ceinture ?

— Non, Manon, d’abord, il faut…

— Paix, s’il vous plaît. Le Roi vous attend.

— Je veux, je veux…