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par une ceinture, faite à la mesure spéciale de la personne et serrant les hanches de si près qu’on ne puisse rien passer entre elle et la peau ? Une croisette passe entre les jambes, rendant impossible l’enlèvement de cette ceinture, tout aussi bien que son déplacement. Dans cette croisette, les parties correspondantes aux ouvertures excrétoires sont ajourées selon la forme convenable. La porteuse de cette armure est peut-être un rien gênée pour s’asseoir et marche en canard. Au vrai, seule la chaise longue lui est un endroit supportable. Mais qu’importe au mari. Sa femme est murée de toutes parts. Il détient la clef des défenses et ne craint ni l’assaut au pont-levis, ni celui à la poterne. Il triomphe donc, et cela lui suffit. Que son épouse souffre des coins un rien, peu lui chaut ! Je me trouvais appartenir à un de ces féroces galants dont la peur du diable se limite à la peur des cornes. J’allais sous peu chausser les charmes d’une femme certainement adorable, et je me promis de faire tout le possible pour perdre à son bénéfice mon nom et ma renommée de défense inexpugnable. Je me disais, au fond de mon écrin : Il en aura, car la morale des ceintures n’avait pour moi aucun attrait.

Bientôt, je compris que nous étions arrivés, le baron, le laquais et moi au lieu même où l’on me destinait à désobliger une beauté. Je fus déballée, on ouvrit brutalement la boîte de galuchat où je reposais, et je fus brandie avec colère par le baron qui, se sentant chez lui, perdit tous ménagements.

— Madame, dit-il, je vous apporte un objet qui dissipera vos vapeurs.

— Lequel, mon ami ? répondit doucement une exquise blonde étendue sur un sopha et qui lisait un livre.

— Voilà !

— Mais qu’est-ce ?

— C’est, Madame, la protection des époux menacés