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L’autre répond, la barrette en main, humblement :

— Oui, monsieur le baron !

Et il me prend avec orgueil pour montrer mes grâces à son client.

C’est un concert de cris admiratifs.

— Qu’elle est belle, on la mettrait rien que par plaisir.

— Et regardez s’il serait bien traité le drôle qui tenterait l’effraction par devant !…

— Tout comme par derrière, rit largement la femme du bijoutier, venue se réjouir à l’entrée.

— Magnifique, crie encore le baron. Vous m’en ferez deux autres. Celle-ci est pour ma femme, mais j’ai deux maîtresses.

— Monsieur le baron est paillard ?

— Mordiable, je vous crois, Tamboneau, et jaloux. Aussi me faut-il tout un lot de ces « ceintures de chasteté ».

Je perdis aussitôt de vue l’homme qui m’avait si soigneusement mise au monde et celui auquel dorénavant j’appartenais. Car on m’emballait avec soin, papiers et ficelles. Je compris que le baron, ayant payé son dû, me faisait porter par un laquais chez lui où je prévoyais une curieuse suite d’aventures. Les derniers mots ouïs de mon nouveau maître avaient, en effet, déchiré le voile de mystère dont je m’entourais à mes propres yeux jusqu’ici. J’étais une « ceinture de chasteté ». On sait peu, aujourd’hui que mes réincarnations sont terminées et qu’il a passé plus de deux siècles depuis le temps où elles florissaient, ce que furent exactement ces objets étranges. Qu’on imagine donc, pour comprendre leur création, l’amant ou le mari jaloux, ayant méfiance des gardes, des murs, des portes et de tout, sauf de la femme même, pourvu qu’elle soit cadenassée pour l’amour… Et quel plus magnifique moyen de réussir ce cadenassage, sinon