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Il ne se passa d’ailleurs rien au début. Les deux personnages se trouvant dans ma chambre ne pouvaient concevoir d’autre idée pratique que de se coucher. Ils se déshabillèrent sans dire un mot et je vis bien que la cordialité des rapports maritaux, tant vantée pourtant par les discours de spécialistes, était ici absente. Cependant, plus vite dévêtu, et sans doute moins certain de ses grâces physiques, l’homme à tête de ouistiti académique, s’était mis au lit. Je m’aperçus alors que j’avais un voisin, un autre oreiller comme moi dont s’empara l’individu et qu’il brutalisa avec un sans-gêne irritant, à coups de poings, comme si le malheureux oreiller sans défense lui avait fait quelque chose.

— Vous vous couchez, ma chère ? dit enfin l’homme en fil de fer.

— Tout à l’heure, mon ami. J’ai des soins et des précautions à prendre pour la nuit, qui ne sont pas de votre ressort. Dormez, dormez ! J’irai vous tenir compagnie dans un instant.

L’autre riposta coléreusement :

— Et vous me réveillerez, de sorte que je ne pourrai plus me rendormir.

La femme eut un éclat de rire argentin ; je dirais. presque dorin, puisqu’on dit argenté et doré, car l’or donne une musique plus agréable encore que l’argent. Enfin, elle rit et susurra :

— Si vous restez éveillé, je vous tiendrai compagnie.

L’autre grogna :

— Vous ne pensez qu’à ça.

— Dame, comme vous n’y pensez jamais, pour le bon ordre, j’y pense pour deux.

Là-dessus, le silence revint. Je regardais faire sa toilette nocturne celle qui allait tout à l’heure reposer sa tête délicate et parfumée sur mon linon et mon duvet ;