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la brèche, au combat et face à l’ennemi. De même clysopompe, on me maltraita parce que je refusai de donner des lavements et le la en même temps.

Puce, je fus prise comme au piège. Ce n’est en rien un crime ou une faute de ma part. Néanmoins, je me promettais bien, si ma destinée voulait que je fusse à nouveau quelque animalcule intime et parasite, d’éviter ces petits pelages sans protection qui jouent sur le corps humain le rôle des fausses fenêtres dans l’architecture. Du moins, à ce qu’en dit Pascal, savant pour qui j’eus toujours une grande dévotion, malgré sa mauvaise vessie…

Bref, à ma quatrième transformation, je m’éveillai savonnette. Vous pouvez croire que j’étais coquette et pimpante, tout fraîchement sortie d’une boîte capitonnée, polie et rose, avec mon nom gravé sur le ventre : Muguet. Je devais sentir le muguet. Quelle charmante odeur, évocatrice des fleurettes blanches, jolies comme de l’orfèvrerie et portant bonheur. Je ne savais pas encore mon sort et me rengorgeais sur une table de marbre rose, comme les marches du poème que signa Musset. Mais le marbre rose est plus fait pour garder des colifichets de toilette que pour supporter le pas insolent du bipède humain.

Je savourais donc ma quiétude lorsqu’entra dans le cabinet de toilette une charmante jeune femme qui chantonnait un air canaque. J’en fus toute dilatée de joie, car j’aime la musique.

Au début, tout se passa bien, on me prit, on me flaira et on essaya la qualité de ma mousse.

Je fis tous mes efforts afin de mousser comme il faut, et j’y réussis. On se servit ensuite de moi pour des soins qui ne se content qu’en vers, et à petit tirage. Rien de mieux. J’aime être en intimité avec les gens et je goûte l’aristocratie des choses dont le détail réclame la poésie.