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charmant. Mais le service que, clysopompe, j’avais commencé de rendre restait pourtant sans beauté. Enfin, n’y pensons plus ! Me voilà puce, jolie puce, charmante puce, de couleur châtaigne, rapide et preste, et je suis prise du vertige des voyages, tant mes précédentes immobilités m’avaient pesé.

Je parcourus ainsi tout mon chat. Je le visitai de la queue, qu’il portait longue et touffue, au museau, sur lequel il passait souvent une patte souple et chatouilleuse. Je l’inspectai partout, et, mon enquête faite, j’en vins à songer que telle exploration ne suffit point à remplir la vie d’une puce. Nous avons sans doute, nous aussi, des Amériques à découvrir…

Soudain, comme je méditais, balancée délicatement sur un poil de moustache, et rêvant de terres lointaines, on entra dans le boudoir où songeait silencieusement le chat, mon domicile et mon domaine. Ce fut une charmante demoiselle qui parut, toute rose d’avoir couru, j’imagine. Elle empoigna aussitôt le charmant animal, ma propriété, et le leva en l’air en criant :

— Bonjour, minet !

Peu s’en fallut même que je ne tombasse de la moustache et Dieu sait ce qui me serait advenu, mais je me rattrapai, après une cabriole, aux pattes de ma demeure forestière, et pestai contre les fillettes sans vergogne.

Cependant la survenante caressait aussi l’échine du chat qui se mit à ronronner. Je ne sais si vous êtes comme moi, mais je déteste cette musique. Elle est banale et sans douceur. Bref, je fus si tôt exaspérée, que, choisissant un moment favorable, je sautai sur le bras de la jeune fille, de là sur son corsage. Alors, je trouvai un orifice par lequel je gagnai sa peau et, m’y croyant en sûreté, m’arrêtai pour respirer.

Je dois le dire, les paysages que je voyais là me parurent neufs. Toutefois, les cachettes y restaient rares.