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LA CANTATRICE

sur la monstruosité secrète de ses jambes !…

Elle cheminait pesamment, posant le sac, et puis les béquilles, et puis le sac…

Je ne pourrais vous dire si elle était jolie ; on ne voyait que sa tristesse. Elle avait l’air d’être née le jour des Morts.

M. Borelli la serrait de près. Je m’aperçus que tous deux offraient une similitude imprécise, comme un air de famille, un je ne sais quoi de roux, de hâlé, de farouche, qui les apparentait confusément. — Frère et sœur ?… Cousins ?… Ou simplement compatriotes ?…

À mon aspect, l’homme s’arrêta net. Il reprit sa marche aussitôt, l’expression rassurée, les joues épanouies.

— « C’est un peu fort ! je ne peux pas m’habituer à votre barbe ! » dit-il en me serrant la main. Puis, à l’oreille, très bas, très vite : « Rien de nouveau ? Le vieillard ?… Bon. » Il se redressa. « Voici ma femme, monsieur le directeur. »

J’essayai de faire parler la cantatrice. Elle murmura quelques « oui » et quelques « non »