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LA GLOIRE DU COMACCHIO

moins que le coussin du Persée, et le dragon s’y roule aux pieds de la demoiselle comme la Méduse aux pieds du sabreur… »

— « Le piédestal est ingénieux dans son imitation », dit le Juif.

Cesare se penchait en avant pour distinguer les détails. Une même ordonnance appareillait les deux bases. Toutefois, dans l’œuvre de Baccio, des retombées d’algues remplaçaient les guirlandes de fruits, et des têtes de dauphins les têtes de chèvres. Ici les cariatides étaient des sirènes, là des cybèles. Et dans les niches à coquille, Amphitrite supplantait Pallas, et Neptune Mercure.

Mais les regards de Bordone remontaient malgré lui vers la statue, et le prêteur y démêla de si terribles sentiments, qu’il voulut faire diversion.

— « Croirez-vous cela, Messer : la similitude le hantait si fort, votre Baccio, qu’il a fait couler avec le bronze deux cents livres de plats d’étain, parce qu’il avait ouï dire que Benvenuto s’y était vu contraint faute d’assez de métal !… »

Cesare ne disait mot. Ses yeux errants