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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

Il veut des pelages ; moi pas. Bref, ne pouvant nous décider entre l’elephas meridionalis, antiquus ou primigenius, nous n’arrivons pas à conclure de là quelle est la période de l’ère néozoïque où le mirage nous a transportés. Ce n’est pas l’éocène ; encore moins le pliocène ; la mer et la végétation l’indiquent. Mais est-ce l’oligocène ou le miocène ?… Par chance, une autre péripétie vient résoudre le différend.

Le mammouth de tête marque un temps d’arrêt. Il ouvre toutes grandes ses oreilles prodigieuses, comme si son crâne voulait s’envoler ; jette une claironnade charivarique, et s’éclipse au galop derrière le faîte. Ses camarades ont exécuté le même « à gauche ». Ils s’esquivent. La terre tremble sourdement. Et voilà qu’au nord une espèce de montagne noirâtre s’avance à travers bois, dépassant les cimes des plus hauts conifères. Et voilà que c’est le tapir mastodonte, le pachyderme à la trompe courte, aux défenses abaissées, qui vient dans la forêt grandiose comme le tapir moderne va dans une prairie.

— « Le dinothérium ! » soufflai-je tout bas.