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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

ce que nous apercevions serpentait dans un chatoiement. De plus, la vision passait continuellement par des alternatives d’ombre et d’éclat. Et je ne tardai pas à découvrir que la vue n’était pas le seul de nos sens impressionné de la sorte. Le parfum balsamique se renforçait effluve à effluve ; le bruissement de l’eau comportait une progression de forte suivis de piano ; et la chaleur redoublait par bouffées, suivant un rythme fantasque dont on peut dire qu’il était général, car toutes ces défaillances et ces poussées coïncidaient parfaitement, qu’elles fussent olfactives, auditives ou visuelles.

Cependant elles s’atténuaient à mesure que le décor gagnait en lucidité. Il se précisait dans le brouillard comme une projection sur l’écran lorsqu’on « met au point » et que l’éclairage papillote. Les photographes saisiront sans peine la meilleure comparaison, celle d’une image qui « vient » sur la plaque sensible, dans le bain révélateur qu’on agite. De seconde en seconde le lieu fantasmagorique devenait plus fixe, plus positif, plus profond. Le cercle — ou plutôt le cylindre — apparent