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LE VIGNERON DANS LA VIGNE


pas, suit les haies, et fréquemment, s’assied à l’ombre d’un arbre où il m’attend.

Soudain, comme je traverse une luzerne fraîche, il tombe ou plutôt il s’aplatit en arrêt : c’est un arrêt ferme, une immobilité de végétal. Seuls les poils du bout de sa queue tremblent. Il y a, je le jurerais, des perdrix sous son nez. Elles sont là, collées les unes aux autres, à l’abri du vent et du soleil. Elles voient le chien, elles me voient, elles me reconnaissent peut-être, et terrifiées, elles ne partent pas.

Réveillé de ma torpeur, je suis prêt et j’attends.

Mon chien et moi, nous ne bougerons pas les premiers.

Brusquement et simultanément, les perdrix partent : toujours collées, elles ne font qu’une, et je flanque dans le tas mon coup de fusil comme un coup de poing. L’une d’elles, assommée, pirouette. Le chien saute dessus et me rapporte une loque sanglante, une moitié de perdrix. Le coup de poing a emporté le reste.