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TABLETTES D’ÉLOI

— C’est ma bouche, monsieur, ôtez votre doigt.

Celle-ci se sèche au soleil et on trouvera un dépôt de sel dans ses salières.

— La mer me fait mal aux yeux, dit l’une, je ne peux pas la regarder. Dans mon voyage de noces, j’ai vu toute la Côte d’Azur en tournant le dos à la mer.

— Pour moi, c’est réglé, dit l’autre, chaque fois, le spectacle grandiose de la mer m’avance de huit jours.


Et voilà les philosophes cyniques. D’un geste grave, ils ont, pour la décence, relevé, passé sur leur poitrine et jeté derrière l’épaule, le pan d’une couverture grossière. Ils s’exercent à marcher pieds nus. Leurs doigts semblent d’informes racines. De leur méprisable chevelure il ne reste que quelques boucles étirées. Ils comparent à la mer la mer intérieure des passions humaines et mesurent l’éternité avec les grains de sable de la mer.