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le péril bleu

mal ! Leurs crapauds-esclaves tournaient des tambours, comme l’écureuil fait aller sa cage ronde, et comme le cheval des batteuses monte sa côte fuyante ! C’étaient des animaux machinisés, des brutes-outils, rappelant la chiourme des rameurs sur les trirèmes d’autrefois ; c’étaient des galériens-grenouilles !

La légèreté de ces batraciens domestiques fut estimée incomparable. Elle tendait à les enlever comme des bestioles d’hydrogène massif. La compression les avait forcément détériorés. On en compta jusqu’à cent trente, ce qui fit dire plaisamment à M. Salomon Kahn, le physicien, que la puissance de l’aéroscaphe était de 130 crapauds-vapeur.

Et ceci démontrait l’existence superaérienne de toute une faune du vide, invisible et d’une complexion analogue à celle des Sarvants.

M. Le Tellier se réserva quelques-uns des nouveaux asphyxiés. Mis dans la glace avec des poids, ils prirent le même chemin que feu leurs maîtres.

Pendant ce temps-là, les ingénieurs qui caressaient, toquaient, frottaient et auscultaient les machines, ne pouvaient se retenir d’en admirer l’ingénieuse complexité. Toutefois, la sphère y jouait un rôle si cocasse et si prépondérant, que les techniciens les plus graves se prenaient à rire, à force de rencontrer sous leurs doigts tant de billes, de globes, de boules et de pommes.

Ils riaient, et grommelaient aussi. Car la maudite invisibilité les empêchait de saisir bien des agencements. Plusieurs jeunes aveugles, choisis pour leur intelligence parmi les pensionnaires d’une institution, leur rendaient pourtant de précieux services avec leur tact perfectionné. Mais ce n’était qu’une demi-mesure, et M. Le Tellier s’aperçut bientôt qu’il devenait indispensable de visibiliser l’aéroscaphe et ses détails, si l’on voulait en faire une étude efficace.

Ah ! que ne pouvait-on le badigeonner ! Mais l’aéroscaphe était réfractaire à tout barbouillage. Nul ne prenait sur lui, — pas plus que la craie du compagnon Virachol. Depuis la détrempe jusqu’au ripolin, toutes les couleurs du monde furent essayées tour à tour. Autant vouloir peindre du verre à l’aquarelle.