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LA PLUS HEUREUSE
DU VILLAGE


Son mari qui buvait et la battait est mort à temps. Depuis, elle peut se dire la plus heureuse de toutes. Il lui reste quelques terres, dont une vigne, et quelque argent. Elle n’a pas besoin de travailler. Elle se laisse vivre, à l’ombre ou au soleil selon l’heure du jour, ses dix doigts joints, l’été sur un caraco blanc, l’hiver sous son épais fichu de laine noire. Elle ne connaît personne au village qui ne souhaite d’être à sa place, et elle ne la céderait à personne. Même quand son père, après son mari, l’a