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BUCOLIQUES

Plus loin, un quatrième, presque un jeune homme, causait avec la grosse Berthe et ne se doutait pas que la maman de Berthe les entendait de sa croisée et préparait des gifles.

Comme les précédents, ces deux fantômes, vite reconnus, se détachèrent, l’un de son mur, l’autre de sa bonne amie, pour me suivre.

Je me garde d’exagérer et de dire que tout le village en était peuplé, que chacun de mes pas dérangeait une vision lointaine de moi-même, et que bientôt leur foule gêna ma promenade. Non ! ce fut intense, mais rapide.

Aucune de mes images antérieures n’eut la force de m’accompagner hors du village. À l’air libre, elles s’évanouirent. Le petit gars aux haricots m’abandonna le dernier.

Resté seul, sûr qu’avec un peu d’imagination je retrouverais le lendemain, toujours, aux mêmes endroits et à mon gré, cette famille d’ombres, j’écoutais s’éteindre