Page:Renard - Bucoliques, 1905.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
BUCOLIQUES

— Vous louez une partie de votre maison, votre grange, votre écurie ?

— Et mes enfants ? J’en ai trois, mariés, pas plus riches que leur père. Et, comme de juste, ils logent chez moi. Ça leur épargne un loyer ; ils ont assez de peine pour vivre, sans m’aider. Voilà ce que mes bâtisses me rapportent.

— Alors, de quoi vivez-vous ?

— La commune me donne dix livres de pain par semaine, et je cherche le reste quand je peux me traîner sur mes genoux, de porte en porte. Je ne serais plus capable de faire un fagot, même sur une chaise, si on m’apportait les branches. Pour les gens de notre misère, après le travail, il n’y a plus de possible que la fin de tout.

— Mon pauvre vieux, prenez encore cette pièce de dix sous pour patienter.

— Oh ! cher monsieur du bon Dieu ! je me doutais de votre charité. Et j’avais honte. Je n’osais pas déjà repasser devant votre porte. Je trouvais que c’était un peu tôt, et que, de cette manière, vos pièces de