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n’auraient eu presque aucune part. Jésus eût à peine été nommé ; on se fût surtout attaché à montrer comment les idées qui se sont produites sous son nom germèrent et couvrirent le monde. Mais j’ai compris, depuis, que l’histoire n’est pas un simple jeu d’abstractions, que les hommes y sont plus que les doctrines. Ce n’est pas une certaine théorie sur la justification et la rédemption qui a fait la Réforme : c’est Luther, c’est Calvin. Le parsisme, l’hellénisme, le judaïsme auraient pu se combiner sous toutes les formes ; les doctrines de la résurrection et du Verbe auraient pu se développer durant des siècles, sans produire ce fait fécond, unique, grandiose, qui s’appelle le christianisme. Ce fait est l’œuvre de Jésus, de saint Paul, des apôtres. Faire l’histoire de Jésus, de saint Paul, des apôtres, c’est faire l’histoire des origines du christianisme. Les mouvements antérieurs n’appartiennent à notre sujet qu’en ce qu’ils servent à expliquer ces hommes extraordinaires, lesquels ne peuvent naturellement avoir été sans lien avec ce qui les a précédés.

Dans un tel effort pour faire revivre les hautes âmes du passé, une part de divination et de conjecture doit être permise. Une grande vie est un tout organique qui ne peut se rendre par la simple agglomération de petits faits. Il faut qu’un sentiment pro-