Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/496

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ce n’est pas un prince, disait-on, c’est un gladiateur[1]. Non, ce n’est pas là le fils de Marc-Aurèle. » Bientôt on découvrit dans la troupe des gladiateurs quelque individu avec qui on lui trouva de la ressemblance, et l’on affirma que c’était là le vrai père de Commode. Le fait est que tous les monuments attestent la ressemblance de Commode avec Marc[2], et confirment pleinement à cet égard le témoignage de Fronton.

Sans reprocher à Marc-Aurèle de n’avoir pas déshérité Commode, on peut donc regretter qu’il ne l’ait pas fait. La perfection de l’homme nuisit à l’inflexibilité du souverain. Capable d’une dureté, il eût peut-être sauvé le monde, et il n’eût porté en rien la responsabilité de l’affreuse décadence qui suivit. Son tort fut d’avoir un fils. Il oublia que le césar n’est pas un homme comme un autre, que son premier devoir est d’entrer en arrangement avec le destin, de savoir deviner celui que le temps a marqué d’un signe. L’hérédité des dynasties féodales est, dans le césarisme, de nulle application. Ce régime est de tous celui qui produit les fruits les meilleurs ou les plus mauvais.

  1. Lampride, Commode, 1, 2, 8, 12, 13, 18, 19.
  2. Noël Desvergers, Essai sur Marc-Aurèle, p. 74, 75 ; mes Mélanges d’histoire, p. 192. Voir surtout le buste de Commode au Musée du Capitole, à Rome.