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N’était-il pas évident, d’ailleurs, que, si Pompéien ou Pertinax succédait à Marc-Aurèle, Commode devenait sur-le-champ le chef du parti militaire, continuation de celui d’Avidius, qui avait en horreur les philosophes et les amis du sage empereur ?

Nous croyons donc qu’il faut se garder de juger légèrement la conduite de Marc-Aurèle en cette circonstance. Il eut moralement raison ; mais les faits lui donnèrent tort. À la vue de ce misérable, perdant l’empire par sa vie crapuleuse, traînant honteusement parmi les valets du cirque et de l’amphithéâtre un nom consacré par la vertu, on maudissait la bonté de Marc ; on regrettait que l’optimisme exagéré qui l’avait amené à prendre Verus pour collègue, et qui peut-être ne lui permit jamais de voir tous les torts de Faustine, lui eût fait commettre une faute beaucoup plus grave. Selon la voix publique, il pouvait d’autant mieux déshériter Commode qu’une légende se formait d’après laquelle Marc aurait été déchargé envers ce dernier de tout devoir paternel. Par un sentiment de pieuse indignation, on ne voulait pas admettre que Commode fût le fils de Marc-Aurèle. Pour absoudre la Providence d’une telle absurdité, on calomnia la mère. Quand on voyait l’indigne fils du meilleur des hommes combattre dans l’amphithéâtre et se comporter en histrion de bas étage :