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mirer. C’est pour avoir vu à côté de lui et compris avec amour le plus beau modèle de la vie parfaite que Marc-Aurèle fut ce qu’il a été.


Prends garde de te césariser, de déteindre ; cela arrive. Conserve-toi simple, bon, pur, grave, ennemi du faste, ami de la justice, religieux, bienveillant, humain, ferme dans la pratique des devoirs. Fais tous tes efforts pour demeurer tel que la philosophie a voulu te rendre : révère les dieux, veille à la conservation des hommes. La vie est courte ; le seul fruit de la vie terrestre, c’est de maintenir son âme dans une disposition sainte, de faire des actions utiles à la société. Agis toujours comme un disciple d’Antonin ; rappelle-toi sa constance dans l’accomplissement des prescriptions de la raison, l’égalité de son humeur dans toutes les situations, sa sainteté, la sérénité de son visage, sa douceur extrême, son mépris pour la vaine gloire, son application à pénétrer le sens des choses ; comment il ne laissa jamais rien passer avant de l’avoir bien examiné, bien compris ; comment il supportait les reproches injustes sans récriminer ; comment il ne faisait rien avec précipitation, comment il n’écoutait pas les délateurs ; comment il étudiait avec soin les caractères et les actions ; ni médisant, ni méticuleux, ni soupçonneux, ni sophiste, se contentant de si peu dans l’habitation, le coucher, les vêtements, la nourriture, le service ; laborieux, patient, sobre, à ce point qu’il pouvait s’occuper jusqu’au soir de la même affaire sans avoir besoin de sortir pour ses nécessités, sinon à l’heure accoutumée. Et cette amitié toujours constante, égale, et cette bonté à supporter la contradiction, et cette joie à recevoir un avis meilleur que le sien, et cette piété sans superstition !… Pense à cela, pour que ta dernière