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Ballotté tour à tour du génie à la folie, le gnosticisme défie tous les jugements absolus. Hegel et Swedenborg, Schelling et Cagliostro s’y coudoient. L’apparente frivolité de quelques-unes de ses théories ne doit pas nous rebuter. Toute loi qui n’est pas l’expression pure de la science positive subit les caprices de la mode. Telle formule de Hegel qui a été à son heure la plus haute vue sur le monde fait maintenant sourire. Telle phrase en laquelle nous croyons résumer l’univers semblera un jour creuse ou fade. À tous ceux qui naufragent dans la mer de l’infini, il faut l’indulgence. Le bon sens, qui paraît au premier coup d’œil inconciliable avec les chimères des gnostiques, ne leur manqua pas autant qu’on pourrait le croire. Ils ne combattirent pas la société civile ; ils ne recherchèrent pas le martyre et eurent en aversion les excès de zèle. Ils eurent la suprême sagesse, la tolérance, parfois même, qui le croirait ? le scepticisme discret. Comme toutes les formes religieuses, le gnosticisme améliora, consola, émut les âmes. Voici en quels termes une épitaphe valentinienne, trouvée sur la voie Latine[1], essaie de sonder l’abîme de la mort :

  1. Civiltà cattolica, 1858, p. 357 et suiv. ; Corpus inscr. gr., no 9595 a.