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jour viendra où le stylet de la critique pénétrera à son tour les défauts de la carapace du croyant, et atteindra la chair vive.

La vérité n’est aux yeux du penseur qu’une forme plus ou moins avancée, mais toujours incomplète ou du moins susceptible de perfectionnement. L’orthodoxie, au contraire, pétrifiée, stéréotypée dans ses formes, ne peut jamais se départir de son passé. Comme sa prétention est d’être faite du premier coup et tout d’une pièce, elle se met par là en dehors du progrès ; elle devient raide, cassante, inflexible, et, tandis que la philosophie est toujours contemporaine à l’humanité, la théologie à un certain jour devient arriérée. Car elle est immuable et l’humanité marche. Ce n’est pas que de force la théologie aussi n’ait marché comme tout le reste. Mais elle le nie, elle ment à l’histoire, elle fausse toute critique pour prouver que son état actuel est son état primitif, et elle y est obligée pour rester dans les conditions de son existence. Le philosophe, au contraire, ne conçoit en aucune circonstance ni la rétractation absolue ni l’immobilité prédécidée. Il veut que l’on se prête aux modifications successives amenées par le temps, sans jamais rompre catégoriquement avec son passé, mais sans en être l’esclave ; il veut que, sans le renier, on sache l’expliquer au sens nouveau, et montrer la part de vérité mal définie qu’il contenait. Qu’un philosophe se dépasse lui-même et use plusieurs systèmes (c’est-à-dire plusieurs expressions inégalement parfaites de la vérité), cela n’a rien de contradictoire, cela lui fait honneur.

Le problème de la philosophie est toujours nouveau ; il n’arrivera jamais à une formule définitive, et le jour