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mer la foi nouvelle qui avait remplacé chez moi le catholicisme ruiné. Cela me prit les deux derniers mois de 1848 et les quatre ou cinq premiers mois de 1849. Ma naïve chimère de débutant était de publier ce gros volume sur-le-champ. Le 15 juillet 1849, j’en donnai un extrait à la Liberté de penser avec l’annonce que le volume paraîtrait dans quelques semaines ».

C’était là de ma part une grande présomption. Vers le temps, où j’écrivais ces lignes, M. Victor Le Clerc eut l’idée de me faire charger, avec mon ami Charles Daremberg, de diverses commissions dans les bibliothèques d’Italie, en vue de l’Histoire littéraire de la France et d’une thèse que j’avais commencée sur l’averroïsme. Ce voyage, qui dura huit mois, eut sur mon esprit la plus grande influence. Le côté de l’art, jusque-là presque fermé pour moi, m’apparut radieux et consolateur. Une fée charmeresse sembla me dire ce que l’Église, en son hymne, dit au bois de la Croix :


Flecte ramos, arbor alta,
Tensa laxa viscera,
Et rigor lentescat ille
Quem dedit nativitas.



Une sorte de vent tiède détendit ma rigueur ; presque toutes mes illusions de 1848 tombèrent,