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taines âmes très distinguées, qui par suite même de leur délicatesse sont possédées d’un plus vif besoin de croire, c’est la brièveté de son symbole, la contradiction de ses systèmes, l’apparence de négation qui lui donne les airs du scepticisme. Peu douées du côté de l’intelligence et de la critique, elles voudraient un système tout fait, réunissant une grande masse de suffrages, et qu’on pût accepter sans examen intrinsèque. Comment croire ces philosophes, disent-elles ? il n’y en a pas deux qui disent de la même manière (24). Scrupules de petits esprits, incapables de discussion rationnelle, et désireux de pouvoir s’en tenir à des caractères extérieurs ; scrupules respectables pourtant, car ils sont honnêtes et supposent la foi à la vérité ! Répondre à ces belles et bonnes âmes que c’est bien dommage qu’il en soit ainsi, mais qu’après tout ce n’est pas la faute du rationalisme si l’homme peut affirmer peu de choses, qu’il vaut mieux affirmer peu avec certitude que d’affirmer ce que l’on ne sait pas légitimement, que si le meilleur système intellectuel était celui qui affirme le plus, aucun ne serait préférable à la crédulité primitive admettant tout sans critique ; répondre ainsi à ces âmes faciles et expansives, c’est comme si on raisonnait avec un appétit surexcité pour lui prouver que le besoin qu’il ressent est désordonné. Il faut répondre une seule chose, et cette chose est la vérité, c’est que la brièveté du symbole de la science n’est qu’apparente, que ses contradictions ne sont qu’apparentes, que sa forme négative n’est qu’apparente. Les esprits rationnels le plus souvent ne se contredisent que par malentendu, parce qu’ils ne parlent pas des mêmes choses, ou qu’ils ne les envisagent pas par le même