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renouvelé alentour ; plus un vestige des demeures et des habitudes d’autrefois ; la cathédrale est restée, un peu dégradée peut-être à hauteur de main d’homme, mais profondément enracinée dans le sol elle a résisté au déluge qui a tout balayé autour d’elle, et la famille de corbeaux, qui a placé son nid dans sa flèche, n’a pas encore été dérangée. Sa masse est son droit. Étrange prescription Ces barbares convertis, ces bâtisseurs d’églises, Clovis, Rollon, Guillaume le Conquérant, nous dominent toujours. Nous sommes chrétiens, parce qu’il leur a plu de l’être. Nous avons réformé leurs institutions politiques devenues surannées ; nous n’avons osé toucher à leur établissement religieux. On trouve mauvais que nous autres civilisés nous touchions au dogme que des barbares out créé. Et quel droit avaient-ils que nous n’ayons ? Pierre, Paul, Augustin nous font la loi, à peu près comme si nous nous assujettissions encore à la loi Salique ou à la loi Gombette. Tant il est vrai qu’en fait de création religieuse les siècles sont portés à se calomnier eux-mêmes, et à se refuser le privilège qu’ils accordent libéralement aux âges reculés !

De la l’immense disproportion qui peut, à certaines époques, exister entre la religion et l’état moral, social et politique. Les religions sont pétrifiées et les mœurs se modifient sans cesse. Semblable à ces roches granitiques qui se sont prises en englobant dans leur masse encore liquide des substances étrangères, qui éternellement feront corps avec elles, le catholicisme s’est solidifié une fois pour toutes, et nulle épuration n’est désormais possible. Je sais qu’il est un catholicisme plus adouci qui a su pactiser avec les nécessités du temps, et jeter un voile sur de trop rudes vérités. Mais de tous les systèmes, celui-là est le