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là, vous renoncez à la parole, vous enveloppez votre tête, vous confondez à dessein votre pensée et votre langage pour ne rien dire de limite en face de l’infini, comment osez-vous parler d’athéisme ? Que si vos facultés, résonnant simultanément, n’ont jamais rendu ce grand son unique, que nous appelons Dieu, je n’ai plus rien à dire ; vous manquez de l’élément essentiel et caractéristique de notre nature.

L’humanité ne se convertit qu’éprise par l’attrait divin de la beauté. Or la beauté dans l’ordre moral, c’est la religion. Voilà pourquoi une religion morte et dépassée est encore plus efficace que toutes les institutions purement profanes ; voilà pourquoi le christianisme est encore plus créateur, soulage plus de souffrances, agit plus vigoureusement sur l’humanité que tous les principes acquis des temps modernes. Les hommes qui feront l’avenir ne seront pas de petits hommes disputeurs, raisonneurs, insulteurs, hommes de parti, intrigants, sans idéal. Ils seront beaux, ils seront aimables, ils seront poétiques. Moi, critique inflexible, je ne serai pas suspect de flatterie pour un homme qui cherche la trinité en toute chose, et qui croit, Dieu me pardonne à l’efficacité du nom de Jéhova ; eh bien ! je préfère Pierre Leroux, tout égaré qu’il est, à ces prétendus philosophes qui voudraient refaire l’humanité sur l’étroite mesure de leur scolastique et avoir raison avec de la politique des instincts divins du cœur de l’homme.

Le mot Dieu étant en possession du respect de l’humanité, ce mot ayant pour lui une longue prescription, et ayant été employé dans les belles poésies, ce serait dérouter l’humanité que de le supprimer. Bien qu’il ne soit pas très univoque, comme disent les scolastiques, il