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olympien qui, poursuivant en toute chose la vérité critique, n’a pas besoin de se faire rêveur pour échapper à la platitude de la vie bourgeoise, ni de se faire bourgeois pour éviter le ridicule des rêveurs.

Je regrette parfois que Molière, en stigmatisant les ridicules issus de l’hôtel de Rambouillet, ait semblé proposer pour modèles des types inférieurs par un côté à ceux qu’il ridiculise. L’amour pur d’Armande et de Bélise dans les Femmes savantes, celui même de Cathos et de Madelon dans les Précieuses ridicules n’ont d’autre défaut que d’être affectés et de couvrir le néant sous un pathos ridicule. S’il était vrai, il serait préférable à l’amour ordinaire de Clitandre et d’Henriette. J’aime mieux l’affectation de l’élevé que le banal. Boileau se moque de Clélie, « cette admirable fille, qui vivait de façon qu’elle n’avait pas un amant qui ne fût obligé de se cacher sous le nom d’ami ; car autrement, ils eussent été chassés de chez elle. » Certes la subtilité n’est pas le vrai : mieux vaut pourtant être ridicule que vulgaire, et c’est un moyen trop commode pour échapper au ridicule que de se réfugier dans la banalité. Il serait trop exorbitant que des rieurs superficiels eussent le pouvoir de rendre suspect, suivant leur caprice, tout ce qu’il y a de noble, de pur et d’élevé, de traiter l’enthousiasme d’extravagance et la morale de duperie. Une seule chose ne prête point à rire ; c’est l’atroce. Parcourez l’échelle des caractères moraux : on a pu rire de Socrate, de Platon, de Jésus-Christ, de Dieu. On peut se moquer des savants, des poètes, des philosophes, des hommes religieux, des politiques, des plébéiens, des nobles, des riches bourgeois. On ne se moquera jamais de Néron, ni de Robespierre. Le rire ne saurait donc être un criterium. L’action