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est fatalement porté à en chercher le secret. Le problème se pose de lui-même, et en vertu de cette faculté qu’à l’homme d’aller au delà du phénomène qu’il perçoit. C’est d’abord la nature qui aiguise cet appétit de savoir ; il s’attaque a elle avec l’impatience de la présomption naïve, qui croit, dès ses premiers essais et en quelques pages, dresser le système de l’univers. Puis c’est lui-même ; bien plus tard, c’est son espèce, c’est l’humanité, c’est l’histoire. Puis c’est le problème final, la grande cause, la loi suprême qui tente sa curiosité. Le problème se varie, s’élargit à l’infini, suivant les horizons de chaque âge mais toujours il se pose ; toujours, en face de l’inconnu, l’homme ressent un double sentiment : respect pour le mystère, noble témérité qui le porte à déchirer le voile pour connaître ce qui est au delà.

Rester indifférent devant l’univers est chose impossible pour l’homme. Dès qu’il pense, il cherche, il se pose des problèmes et les résout ; il lui faut un système sur le monde, sur lui-même, sur la cause première, sur son origine, sur sa fin. Il n’a pas les données nécessaires pour répondre aux questions qu’il s’adresse ; qu’importe ? Il y supplée de lui-même. De là les religions primitives, solutions improvisées d’un problème qui exigeait de longs siècles de recherches, mais pour lequel il fallait sans délai une réponse. La science méthodique sait se résoudre à ignorer ou du moins à supporter le délai ; la science primitive du premier bond voulait avait avoir la raison des choses. C’est qu’à vrai dire, demander à l’homme d’ajourner certains problèmes et de remettre aux siècles futurs de savoir ce qu’il est, quelle place il occupe dans le monde, quelle est la cause du monde et de lui-même, c’est lui demander l’impossible. Alors même qu’il saurait l’énigme