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beau se réunir, il ne sortira rien de bon de leur réunion. Les sectaires et les hommes de parti s’imaginent que la compression seule empêche leurs idées de parvenir, et s’irritent contre cette compression. Ils se trompent. Ce n’est pas le mauvais vouloir des gouvernements qui étouffe leurs idées ; c’est que leurs idées ne sont pas mûres ; de même que ce n’est pas la force des gouvernements absolus mais la dépression des sujets qui maintient les peuples dans l’assujettissement. Pensez-vous donc que, s’ils étaient mûrs pour la liberté, il ne se la feraient pas à l’heure même ? Notre libératisme français, croyant tout expliquer par le despotisme, préoccupé exclusivement de liberté, considérant Je gouvernement et les sujets comme des ennemis naturels, est en vérité bien superficiel. Persuadons-nous bien qu’il ne s’agit pas de liberté, mais de faire, de créer, de travailler. Le vrai trouve toujours assez de liberté pour se faire jour, et la liberté ne peut être que préjudiciable, quand ce sont des insensés qui la réclament. Elle n’aboutit qu’à favoriser l’anarchie, et n’est d’aucun usage pour le progrès réel de l’humanité. Qu’un commissaire de police s’introduise dans une salle où quelques têtes faibles et vides échauffent réciproquement leurs passions instinctives, nous jetons les hauts cris, la liberté est violée. Croyez-vous donc que ce seront ces pauvres gens qui résoudront le problème ? Nous usons la force pour conserver à tous le droit de radoter à leur aise ; ne vaudrait-il pas mieux chercher à parler raison et enseigner à tous à parler et à comprendre ce langage ? Fermez les clubs, ouvrez des écoles, et vous servirez vraiment la cause populaire.

La liberté de tout dire suppose que ceux à qui l’on s’adresse ont l’intelligence et le discernement nécessaires pour faire la critique de ce qu’on leur dit, l’accepter s’il est