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arrière et de s’assurer de sa marche, tel est le caractère de la race religieuse et théocratique des Sémites. C’est par excellence le peuple de Dieu. Aussi tout culte leur est-il sacré, et le seul athée est pour eux un non sens, une énigme, un monstre dans l’univers. Ils ont cet instinct moral, ce bon sens pratique et sans grande profondeur d’analyse, mais populaire et facile, qui fait le génie des religions, joint à ce don prophétique qui souvent sait parler de Dieu plus éloquemment et surtout plus abondamment que la science et le rationalisme. Et en effet n’est-il pas remarquable que les trois religions qui jusqu’ici ont joué le plus grand rôle dans l’histoire de la civilisation, les trois religions marquées d’un caractère spécial de durée, de fécondité, de prosélytisme, et liées d’ailleurs entre elles par des rapports si étroits qu’elles semblent trois rameaux d’un même tronc, trois traductions inégalement belles et pures d’une même idée, sont nées toutes ’les trois en terre sémitique et de la se sont élancées à la conquête de hautes destinées ? Il n’y a que quelques lieues de Jérusalem au Sinaï et du Sinaï à la Mecque (128 bis).

Toutefois, comme les races différent non par des facultés diverses, mais par l’extension diverse des mêmes facultés, comme ce qui fait le caractère dominant des unes se retrouve chez les autres à l’état rudimentaire, la Grèce présente des germes non équivoques des procédés qui ont créé en Orient des révélateurs, des hommes-dieux et des prophètes. Mais toujours ils ont avorté avant de constituer une véritable tradition religieuse. L’institut de Pythagore, avec ses degrés, ses initiations, ses épreuves, sa teinte prononcée d’ascétisme, rappelle les grands systèmes organisés de l’Asie. Pythagore lui-même ressemble fort à un théurge. Il est infaillible (αὐτὸς ἔφα) ; un disciple blâmé par