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le caractère de Jésus et des apôtres une foule de questions auxquelles il est impossible de répondre, en jugeant le premier siècle d’âpres le nôtre. Si Jésus n’est pas réellement ressuscité, comment la croyance s’en est-elle répandue ? Les apôtres étaient donc des imposteurs ? les évangélistes des menteurs ? Comment les juifs n’ont-ils pas protesté ? Comment… ! etc. Toutes questions qui auraient un sens dans notre siècle de réflexion et de publicité, mais qui n’en avaient pas à une époque de crédulité, où ne s’élevait aucune pensée critique (122).

Le premier pas dans l’étude comparée des religions sera, ce me semble, d’établir deux classes bien distinctes parmi ces curieux produits de l’esprit humain : religions organisées, ayant des livres sacrés, des dogmes précis ; religions non organisées, n’ayant ni livres sacrés, ni dogmes, n’étant que des formes plus ou moins pures du culte de la nature, et ne se posant en aucune façon comme des révélations. Dans la première classe rentrent les grandes religions asiatiques judaïsme, christianisme, islamisme, parsisme, brahmanisme, buddhisme, auxquels on peut ajouter le manichéisme, qui n’est pas seulement une secte ou hérésie chrétienne, comme on se l’imagine souvent, mais une apparition religieuse entée, comme le christianisme, l’islamisme et le buddhisme, sur une religion antérieure. Dans la seconde, devraient être rangés les polythéismes mythologiques de la Grèce, des Scandinaves, des Gaulois, et en général toutes les mythologies des peuples qui n’ont pas eu de livre sacré. A vrai dire, ces cultes méritent à peine le nom de religions ; l’idée de révélation en est profondément absente ; c’est le naturalisme pur, exprimé dans un poétique symbolisme. Il serait convenable peut-être de réserver le nom de religions aux grandes