Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le Pirké Avoth, dans les œuvres des judéo-chrétiens. On cherche le christianisme dans les œuvres des Pères platoniciens qui ne représentent qu’un second moment de son existence. Le christianisme est primitivement un fait juif, comme le buddhisme un fait indien, bien que le christianisme, comme le buddhisme, se soit vu presque exterminé des pays où il naquit, et que le mélange des éléments étrangers ait pu faire douter de son origine.

Pour moi, si j’entreprenais jamais ce grand travail, je commencerais par un catalogue exact des sources, c’est-à-dire de tout ce qui a été écrit en Orient depuis l’époque de la captivité des juifs à Babylone jusqu’au moment où le christianisme apparaît définitivement constitué, sans oublier le secours si important des monuments, pierres gravées, etc. Puis je consacrerais un volume à la critique de ces sources. Je prendrais l’un après l’autre les fragments de Daniel écrits au temps des Macchabées, le livre de la Sagesse, les paraphrases chaldéennes, le Testament des douze patriarches, les livres du Nouveau Testament, la Mischna, les apocryphes, etc., et je chercherais à déterminer, par la plus scrupuleuse critique, l’époque précise, le lieu, le milieu intellectuel où furent composés ces ouvrages. Cela fait, je me baserais uniquement sur ces données pour former mes idées, en faisant abstraction complète de toutes les imaginations qu’on s’est faites par induction et sur de vagues analogies. Sans doute la connaissance universelle de l’esprit humain serait nécessaire pour cette histoire. Mais il faut prendre garde de transformer les analogies en emprunts réciproques, quand l’histoire ne dit rien sur la réalité de ces emprunts. Nos critiques français, qui n’ont étudié que le monde grec et latin, ont peine à comprendre que le christianisme