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des vanités en un mot, il y aurait des jours où le savant devrait dire avec le poète :

Honte à qui peut chanter, pendant que Rome brûle.

Mais si la science est la chose sérieuse, si les destinées de l’humanité et la perfection de l’individu y sont attachées, si elle est une religion, elle a, comme les choses religieuses, une valeur de tous les jours et de tous les instants. Ne donner à l’étude et à la culture intellectuelle que les moments de calme et de loisir, c’est faire injure à l’esprit humain, c’est supposer qu’il y a quelque chose de plus important que la nécessité de la vérité. Or, s’il en était ainsi, si la science ne constituait qu’un intérêt de second ordre, l’homme qui a voué sa vie au parfait, qui veut pouvoir dire à ses derniers instants : J’ai accompli ma fin, devrait-il y consacrer une heure, quand il saurait que des devoirs plus élevés le réclament ?

Que les révolutions et les craintes de l’avenir soient une tentation pour la science qui ne comprend pas son objet, et ne s’est jamais interrogé sur sa valeur et sa signification véritable, cela se conçoit. Quant à la science sérieuse et philosophique, qui répond à un besoin de la nature humaine, les bouleversements sociaux ne sauraient l’atteindre, et peut-être la servent-ils en la portant à réfléchir sur elle-même, à se rendre compte de ses titres, à ne plus