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religieux reviendra de droit à la science, seule religion définitive. Il n’y aura plus de budget des cultes, il y aura budget de)a science, budget des arts. L’État doit subvenir à la science comme à la religion, puisque la science comme la religion est de la nature humaine. Il le doit même à un titre plus élevé ; car la religion, bien qu’éternelle dans sa base psychologique, a dans sa forme quelque chose de transitoire ; elle n’est pas comme la science tout entière de la nature humaine.

La science n’existant qu’à la condition de la plus parfaite liberté, le patronage que lui doit l’État ne confère à l’État aucun droit de la contrôler ou de la réglementer, pas plus que la subvention accordée aux cultes ne donne droit à l’État de faire des articles de foi. L’État peut même moins, en un sens, sur la science que sur les religions car à celles-ci il peut du moins imposer quelques règlements de police ; au lieu qu’il ne peut rien, absolument rien, sur la science. La science, en effet, se conduisant par la considération intrinsèque et objective des choses, n’est pas libre elle-même d’obéir a qui veut bien lui commander ; si elle était libre dans ses opinions, on pourrait peut-être lui demander telle ou telle opinion. Mais elle ne l’est pas ; rien de plus fatal que la raison et par conséquent que la science. Lui donner une direction, lui demander d’arriver à tel ou tel résultat, c’est une flagrante contradiction c’est supposer qu’elle est flexible à tous les sens, c’est supposer qu’elle n’est pas la science.

Certains ordres religieux qui appliquaient à l’étude cette tranquillité d’esprit, l’un des meilleurs fruits de la vie monastique, réalisaient autrefois ces grands ateliers de travail scientifique, dont la disparition est profondément à regretter. Sans doute il eût été bien préférable