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tinuer paisiblement leurs travaux à l’abri du besoin importun.

Je dis que c’est là un devoir pour l’État, et je le dis sans aucune restriction (107). L’État n’est pas à mes yeux une simple institution de police et de bon ordre. C’est la société elle-même, c’est-à-dire l’homme dans son état normal. Il a par conséquent les mêmes devoirs que l’individu, en ce qui touche aux choses religieuses. Il ne doit pas seulement laisser faire ; il doit fournir à l’homme les conditions de son perfectionnement. C’est une puissance plastique et bien réellement directrice. Car la société n’est pas la réunion atomistique des individus, formée par la répétition de l’unité ; elle est une unité constituée ; elle est primitive.

L’Angleterre, je le sais, comme autrefois a quelques égards l’ancienne France, suffit à presque tout par des fondations particulières, et je conçois que, dans un pays où les fondations sont si respectées, on puisse se passer d’un ministre de l’instruction publique. L’État, je le répète, ne doit que suppléer à ce que ne peuvent faire ou ne font pas les individus ; il a donc un moindre rôle dans un pays où les particuliers peuvent et font beaucoup. L’Angleterre d’ailleurs ne réalise ces grandes choses que par l’association, c’est-à-dire par de petites sociétés dans la grande, et je trouve pour ma part l’organisation française, issue de notre révolution, bien plus conforme à l’esprit moderne.

C’est surtout sous la forme religieuse que l’État a veillé jusqu’ici aux intérêts suprasensibles de l’humanité. Mais du moment où la religiosité de l’homme en sera venue à s’exercer sous la forme purement scientifique et rationnelle, tout ce que l’État accordait autrefois à l’exercice