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XIV


Je sortirais de mon plan si je hasardais ici quelques idées d’une application pratique. Au surplus, ma complète ignorance de la vie réelle m’y rendrait tout à fait incompétent. L’organisation, exigeant l’expérience et le balancement des principes par les faits existants, ne saurait en aucune façon être l’œuvre d’un jeune homme. Je ne ferai donc que poser les principes.

Que l'État ait le devoir de patronner la science, comme l’art, c’est ce qui ne saurait être contesté. L’État en effet représente la société et doit suppléer les individus pour toutes les œuvres où les efforts isolés seraient insuffisants.

Le but de la société est la réalisation large et complète de toutes les faces de la vie humaine. Or il est quelques-unes de ces faces qui ne peuvent être réalisées que par la fortune collective. Les individus ne peuvent se bâtir des observatoires, se créer des bibliothèques, fonder de grands établissements scientifiques. L’État doit donc à la science des observatoires, des bibliothèques, des établissements scientifiques. Les individus ne pourraient seuls entreprendre et publier certains travaux. L’état leur doit des subventions. Certaines branches de la science (et ce sont les plus importantes) ne sauraient procurer à ceux qui les cultivent le nécessaire de la vie : l'État doit sous une forme ou sous une autre offrir aux travailleurs méritants les moyens nécessaires pour con-