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tel grammairien d’Alexandrie a fait un livre sur la différence de χρὴ et δεῖ. Assurément, ils eussent pu se proposer de plus importants problèmes, et néanmoins on ne peut dire que de tels travaux soient inutiles. Car ils font pour la connaissance des langues anciennes, et la connaissance des langues anciennes fait pour la philosophie de l’esprit humain. La langue sanskrite, de même, ne sera parfaitement possédée que quand de patients philologues en auront monographié toutes les parties et tous les procédés. Il existe un assez gros volume de Bynæus De calceis Hebrœorum. Certes on peut regretter que les souliers des Hébreux aient trouvé un monographe, avant que les Védas aient trouvé un éditeur. Je suis persuadé néanmoins que ce livre, que je me propose de lire, renferme de précieuses lumières et doit former un utile complément aux travaux de Braun, Schrœder et Hartmann sur les vêtements du grand prêtre et des femmes hébraïques. Le mot de Pline est vrai à la lettre : il n’y a pas de livre si mauvais qu’il n’apprenne quelque chose. Toute exclusion est téméraire : il n’y a pas de recherche qu’on puisse déclarer par avance frappée de stérilité. A combien de résultats inappréciables n’ont pas mené les études en apparence les plus vaines. N’est-ce pas le progrès de la grammaire qui a perfectionné l’interprétation des textes et par là l’intelligence du monde antique ? Les questions les plus importantes de l’exégèse biblique, en particulier, lesquelles ne peuvent être indifférentes au philosophe, dépendent d’ordinaire des discussions grammaticales les plus humbles et les plus minutieuses (103). Nulle part le perfectionnement de la grammaire et de la lexicographie n’a opéré une réforme plus radicale. Il est une foule d’autres cas où les questions les plus vitales pour