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actuel de la science entreprendrait une histoire complète de la philosophie ou de la médecine arabe perdrait à la lettre son temps et sa peine : car il ne ferait que répéter ce qui est déjà connu. Une telle œuvre ne sera possible que quand huit ou dix existences d’hommes laborieux et du caractère le plus spécial auront publié, traduit ou analysé tous les auteurs arabes dont nous avons les textes ou les traductions rabbiniques. Jusque-là tous les travaux généraux seront sans base. De tout cela ne sortirait peut-être pas encore quelque chose de bien merveilleux car je fais assez peu de cas de la philosophie arabe ; mais n’en résultât-il qu’un atome pour l’histoire de l’esprit humain, mille vies humaines seraient bien employées à l’acquérir.

Dans l’état actuel de la science, on peut trouver regrettable que des intelligences distinguées consacrent leurs travaux à des objets en apparence si peu dignes de les occuper. Mais si la science était, comme elle devrait l’être, cultivée par de grandes masses d’individus et exploitée dans de grands ateliers scientifiques, les points les moins intéressants pourraient comme les autres recevoir leur élucidation. Dans l’état actuel, on peut dire qu’il y a des recherches inutiles, en ce sens qu’elles absorbent un temps qui serait mieux employé a des sujets plus sérieux. Mais, dans l’état normal, où tant de forces maintenant dépensées à des objets parfaitement futiles, seraient tournées aux choses sérieuses, aucun travail ne serait à dédaigner. Car la science parfaite du tout ne sera possible que par l’exploration patiente et analytique des parties. Tel philologue a consacré de longues dissertations à discuter le sens des particules de la langue grecque ; tel érudit de la Renaissance écrit un ouvrage sur la conjonction quanquam ;