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Moallakat, en même temps qu’il écrit un Moyen pour empêcher les émeutes dans les élections, et plusieurs opuscules de circonstance, le tout sans préjudice de sa profession d’avocat.

Encore moins puis-je pardonner ce coupable morcellement de la vie scientifique qui fait envisager la science comme un moyen pour arriver aux affaires, et prélève les moments les plus précieux de la vie du savant. Faire du torchon avec de la dentelle est de toute manière un mauvais calcul. Cuvier ne perdait-il pas bien son temps quand il consumait à des rapports et à des soins d’administration, dont d’autres se fussent acquittés aussi bien que lui, des heures qu’il eût pu rendre si fructueuses ? Un homme ne fait bien qu’une seule chose ; je ne comprends pas comment on peut admettre ainsi dans sa vie un principal et un accessoire. Le principal seul a du prix, l’existence n’a pas deux buts. Si je ne croyais que tout est saint, que tout importe à la poursuite du beau et du vrai, je regarderais comme perdu le temps donné à autre chose qu’à la recherche spéciale. Je conçois un cadre de vie très étendu, universel même. Que le penseur, le philosophe, le poète s’occupent des affaires de leur pays, non pas dans les menus détails de l’administration, mais quant à la direction générale, rien de mieux. Mais que le savant spécial, après quelques travaux ou quelques découvertes, vienne réclamer comme récompense qu’on le dispense d’en faire davantage et qu’on le laisse entrer dans le champ de la politique, c’est là l’indice d’une petite âme, d’un homme qui n’a jamais compris la noblesse de la science.

Les vrais intérêts de la science réclament donc plus que jamais des spécialités et des monographies. Il serait à désirer que chaque pavé eût son histoire. Il est encore