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l’autre, sera toujours chez nous, par la force des choses, la base de l’éducation. Que d’autres peuples, même européens, les nations slaves par exemple, les peuples germaniques eux-mêmes, bien que constitués plus tard dans des rapports si étroits avec le latinisme, cherchent ailleurs leur éducation, ils pourront s’interdire une admirable source de beauté et de vérité ; au moins ne se priveront-ils pas du commerce direct avec leurs ancêtres ; mais, pour nous, ce serait renier nos origines, ce serait rompre avec nos pères. L’éducation philologique ne saurait consister à apprendre la langue moderne, l’éducation morale et politique, à se nourrir exclusivement des idées et des institutions actuelles ; il faut remonter à la source et se mettre d’abord sur la voie du passé, pour arriver par la même route que l’humanité à la pleine intelligence du présent.


XII


À mes yeux, le seul moyen de faire l’apologie des sciences philologiques, et en général de l’érudition, est donc de les grouper en un ensemble, auquel on donnerait le nom de sciences de l’humanité, par opposition aux sciences de la nature. Sans cela, la philologie n’a pas d’objet, et elle prête à toutes les objections que l’on dirige si souvent contre elle.

L’humilité des moyens qu’elle emploie pour atteindre son but ne saurait être un reproche. Cuvier disséquant des limaçons aurait provoque le sourire des esprits légers, qui