Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ces lois, ait interposé une volonté spécialement intentionnelle dans le mécanisme des choses. Sans doute tout est fait par la cause première mais la cause première n’agit pas par des motifs partiels, par des volontés particulières, comme dirait Malebranche. Ce qu’elle a fait est et demeure le meilleur ; les moyens qu’elle a une fois établis sont et demeurent les plus efficaces. Mais comment, dira-t-on, expliquer par un même système des effets si divers ? Pourquoi ces faits étranges qui signalèrent les origines ne se reproduisent-ils plus, si les lois qui les amenèrent subsistent encore ? C’est que les circonstances ne sont plus les mêmes les causes occasionnelles qui déterminaient les lois à ces grands phénomènes n’existent plus. En général, nous ne formulons les lois de la nature que pour l’état actuel, et l’état actuel n’est qu’un cas particulier. C’est comme une équation partielle tirée par une hypothèse spéciale d’une équation plus générale. Celle-ci renferme virtuellement toutes les autres, et a sa vérité dans la vérité particulière de toutes les autres.

Il en est ainsi de toutes les lois de la nature. Appliquées dans des milieux différents, elles produisent des effets tout divers que les mêmes circonstances se représentent, les mêmes effets reparaîtront. Il n’y a donc pas deux séries de lois qui s’ordonnent entre elles pour remplir leurs lacunes et suppléer à leur insuffisance ; il n’y a pas d’intérim dans la nature la création et la conservation s’opèrent par les mêmes moyens, agissant dans des circonstances diverses. La géologie, après avoir longtemps recouru, pour expliquer les cataclysmes et les phases successives du globe à des causes différentes de celles qui agissent aujourd’hui, revient de toutes parts à