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dans la suite de ses développements. Les phénomènes, par exemple, qui signalèrent l’éveil de la conscience se retracent dans l’éternelle enfance de ces races non perfectibles, restées comme des témoins de ce qui se passa aux premiers jours de l’homme. Non qu’il faille dire absolument que le sauvage est l’homme primitif : l’enfance des diverses races humaines dut être fort différente selon le ciel sous lequel elles naquirent. Sans doute les misérables êtres qui bégayèrent d’abord des sons inarticulés sur le sol malheureux de l’Afrique ou de l’Océanie ressemblèrent peu à ces naïfs et gracieux enfants qui servirent de pères à la race religieuse et théocratique des Sémites, et aux vigoureux ancêtres de la race philosophique et rationaliste des peuples indo-germaniques. Mais ces différences ne nuisent pas plus aux inductions générales que les variétés de caractère chez les individus n’entravent la marche des psychologues. L’enfant et le sauvage seront donc les deux grands objets d’étude de celui qui voudra construire scientifiquement la théorie des premiers âges de l’humanité. Comment n’a-t-on pas compris qu’il y a dans l’observation psychologique de ces races, que dédaigne l’homme civilisé, une science du plus haut intérêt, et que ces anecdotes rapportées par les voyageur, qui semblent bonnes tout au plus à amuser des enfants, renferment en effet les plus profonds secrets de la nature humaine ?

Il reste à la science un moyen plus direct encore pour se mettre en rapport avec ces temps reculés : ce sont les produits mêmes de l’esprit humain à ses différents âges, les monuments où il s’est exprimé lui-même, et qu’il a laissés derrière lui comme pour marquer la trace de ses pas. Malheureusement, ils ne datent que d’une époque